Elain sentait une tension palpable dans l’air alors qu’elle entrait dans petit café dans lequel elle avait rendez-vous. Ses pas résonnèrent légèrement sur le sol, mais à l’intérieur, le murmure des conversations amplifia sa nervosité. Ses mains teillaient même un peu, tandis qu’elle cherchait du regard la silhouette de son oncle : Eric. Elle ne connaissait que très peu cet homme, bien qu’il fasse partie de sa famille.
Les murs du café semblèrent se rapprocher, le décor chaleureux et accueillant ne parvenait pas à dissiper le doute et le froid qui s’étaient emparés de la rouquine. Elain peina même à retenir son souffle, alors qu’elle le repère, assis à une table un peu plus loin, seul. Il l’attendait, plongé dans ses pensées ou peut-être tout simplement en observant les autres clients ? Elle n’en savait rien.

Elle prit une grande inspiration, sentant son coeur battre plus fort dan sa poitrine. Ses yeux rencontrèrent enfin ceux de son oncle lorsqu’elle s’approcha. Elle avait réussi à le reconnaitre, mais serai-ce également le gars du grand brun ? Après tout depuis combien de temps ne s’étaient t-il pas vu ? Le regard d’Eric était d’ailleurs un mystère, une énigme et la jeune femme n’y trouvait aucun réponse. Elle se demanda alors ce qu’il pensait à cet instant précis : est-ce qu’il partageait le même sentiment d’appréhension qu’elle ?

En s’asseyant en face de lui, Elain ressentit un terrible poids planer au-dessus d’elle, avant qu’enfin, elle ouvre la bouche. « Bonjour… Eric.» L’idée de l’appeler par un petit surnom affectif et familial ne lui traversa même pas l’esprit. Les secondes qui suivirent semblèrent s’étirer et les mots restèrent suspendus dans l’air. Le café, qui était pourtant un endroit chaleureux, devint le théâtre de cette réunion délicate, où le passé et le présent se rencontraient de manière tangible. Elain se demanda comment briser la glace, comment entamer une conversation avec cet homme qui représentait une partie de son histoire qu’elle avait longtemps ignorée. Le stress et l’incertitude se mêlèrent dans son esprit, mais après tout, c’était elle qui avait demandé à voir Eric non ? Elle fait ressentit le besoin de reprendre contact avec les membres de sa famille, mais aussi de faire la lumière sur certaines choses que sa mère avait sans aucun doute omis de lui dire. Après une nouvelle grande inspiration, elle reprit donc : « Ça faisait longtemps.. ». Sa voix était légèrement tremblante, mais résolue. Ses yeux, quant à eux, cherchaient à rencontrer ceux d’Eric, cherchant une lueur de compréhension ou peut-être de connivence.

Elain sentit un frisson d'incertitude la traverser lorsque, après s'être assise en face de son oncle Eric, elle remarqua l'expression surprise qui s'installa sur son visage. Un instant de doute suspendit le temps dans le petit café. Elle chercha avidement une étincelle de reconnaissance dans le regard d'Eric, mais à la place, elle trouva une hésitation.
Les secondes semblaient s'étirer alors qu'elle attendait, une anxiété grandissante prenant place dans son esprit. Le doute s'insinua, provoquant une légère crispation dans son estomac. Se pourrait-il qu'il ne la reconnaisse pas du tout ? Les années avaient-elles suffi à brouiller les traits de son visage ou à effacer les souvenirs ?

Puis, comme un voile levé, elle vit la lueur de la reconnaissance traverser les yeux d'Eric. Un sourire timide se dessina sur son visage, dissipant les nuages momentanés de confusion. Elle laissa alors échapper un soupir de soulagement. Elle ne put cependant s’empêcher de se demander ce qui avait causé cette hésitation passagère. Était-ce le poids du temps qui avait altéré les souvenirs, ou bien des rancœurs persistantes à l’égard de sa mère ? C’était sans doute un petit peu des deux… Néanmoins, c’est avec un sourire chaleureux qu’Elain prit une nouvelle inspiration et qu’elle entama la conversation avec son oncle. « Je vais très bien, merci. Je vais juste prendre un café, ce sera parfait ! »

La rouquine se sentit alors soulagée que la glace soit rompue, bien que l’atmosphère restait empreinte d’une tension assez particulière. L'idée de partager un moment autour d'une boisson chaude semblait néanmoins un premier pas vers une conversation plus détendue. « Et vous ? Comment ça va de votre côté ? » ajouta-t-elle, cherchant à prolonger la conversation  et à montrer qu’elle s’intéressait à sa famille, qu’elle avait pourtant longtemps ignorée à cause de sa mère.

« J'aurais aimé reprendre contact avec toi plus tôt, » avoua ensuite la rousse, le regard empreint de sincérité. « Mais.. Tu connais maman. Les choses ont toujours été compliquées avec elle. » Son regard se plongea dans celui d'Eric, cherchant une compréhension dans ses yeux. Elle espérait que, malgré le temps perdu, il pourrait lire son désir sincère de reconstruire des liens familiaux.

Le cœur d’Elain se réchauffa en entendant les mots d’Eric. La mention de sa cousine et de son cousin raviva des souvenirs de son enfance qu’elle chérissait, des moments partagés en famille si rare et si précieux. La jeune femme n’avait pas eu l’occasion de les voir depuis si longtemps, mais elle ne les avaient jamais oublier. Elle adorait avoir des nouvelles d’eux et qui sait, peut-être que bientôt, elle pourrait les revoir eux aussi ? Cette perspective raviva en elle le désir de renouer avec cette partie de sa famille qu'elle avait laissée derrière elle L'idée de reconnecter avec sa cousine et son cousin était une étape supplémentaire vers la reconstruction de ces liens familiaux, une étape qu'elle abordait avec enthousiasme et une pointe de nostalgie. Elain plaçait donc véritablement beaucoup d’espoir dans ces retrouvailles avec son oncle.

Les paroles suivantes d’Eric résonnèrent dans l'air, empreintes d'un mélange de nostalgie et de regret. Elain pouvait presque ressentir la teinte d'amertume dans ses paroles. Les souvenirs d'une époque plus harmonieuse semblaient flotter dans l'atmosphère, contrastant avec la réalité actuelle. La jeune femme hocha donc la tête avec compréhension, consciente que les relations familiales pouvaient être aussi difficiles que complexes. « Je comprends, » murmura-t-elle donc avec empathie.

Ensuite, un léger sourire s'esquissa sur le visage d’Elain, reconnaissant en lui une perspicacité qui faisait écho à ses propres expériences. « Effectivement, elle n'est au courant de rien. » Répondit-elle avec une nuance de tristesse dans la voix. « Si elle avait eu vent de notre rencontre, elle aurait probablement débarqué ici pour me sortir de ce café avant même que nous ayons pu échanger deux mots. Ma mère a ce talent particulier pour s'immiscer dans ma vie de manière... efficace. » Dit-elle avec un léger rire, un mélange d'amusement et de résignation. Leur conversation prenait une tournure plus légère, une complicité naissante qui contrastait avec les tensions du passé. Elain était reconnaissante de la manière dont son oncle abordait les choses, avec une ouverture d'esprit et une acceptation qui lui donnait l’envie d’apprendre à le connaître.

« J’ai vu que tu enseignais à l’université … » Dit finalement Elain avec un sourire, trouvant la force, et même l’envie de continuer la conversation. « … c’est même comme ça que je t’ai retrouvé, car j’étudie là-bas maintenant moi aussi. » On ne pas se mentir, la jeune femme espérait créer une connexion, peut-être même une complicité basée sur leurs liens académiques communs. Les mots qu’elle avait choisis avec soin témoignaient d’ailleurs de sa volonté de se trouver des points communs malgré le passé compliqué de leur famille.

« J’ai commencé il y a plusieurs mois, et jusqu'à présent, j'ai de très bonnes notes ! » Déclara Elain avec une lueur de fierté dans les yeux. En disant cela, elle ne put s’empêcher de penser à sa mère, dont les exigences l'auraient dirigée vers un chemin plus conventionnel, peut-être en économie ou dans une discipline similaire. Mais la jeune artiste avait choisi un chemin qui la passionnait, un choix courageux quand on connaissait les attentes de sa mère.
À cette pensée, une sensation de trouble s'installa en son sein alors qu’Elain pesait le pour et le contre de révéler la vérité à son oncle. Son regard révéla d’ailleurs une hésitation, une lutte intérieure entre la sincérité et le désir de préserver la façade qu’elle soigneusement entretenue jusque-là. La peur du jugement, particulièrement de la part de sa mère, pesait sur les épaules de la jeune femme, et elle se demandait comment son oncle réagirait en découvrant la véritable nature de ses études. Les mots restaient en suspens, piégés dans sa gorge, alors qu'elle réfléchissait à la meilleure manière de présenter la réalité sans dévoiler complètement la dissimulation qu'elle entretenait à l'égard de sa mère.

Les paroles de son oncle résonnèrent profondément en Elain, suscitant un tourbillon d'émotions et de réflexions dans son esprit. Elle se sentit partagée entre la tristesse pour sa mère et une certaine compréhension des sentiments de son oncle. Elle ressentit une pointe de compassion pour sa mère, imaginant le fardeau qu'elle portait, les regrets et les rancœurs qui semblaient la hanter. La réalisation que leur querelle familiale semblait être enracinée dans des événements passés sur lesquels elle n'avait aucun contrôle laissa Elain avec un sentiment d’impuissance. Pourtant, en même temps, elle ressentit une pointe de soulagement en entendant son oncle exprimer cette vérité avec une telle clarté.
Elle se demanda si un jour sa mère serait prête à regarder au-delà de ses propres blessures, à accepter que le passé ne puisse être changé, et à trouver la paix dans le présent.

Ils changèrent ensuite de sujet ce qui soulagea la blonde. Parler de sa mère n’était jamais évident pour elle… Mais en abordant le sujet des cours, et surtout de la filière qu’elle suivait, Elain sembla perdre ses moyens. Cette simple question résonnait dans son esprit, apportant avec elle un mélange de fierté et d’appréhension. Elle sentit un poids sur ses épaules alors qu’elle envisageait sa réponse, se demandant comment son oncle réagirait à la découverte de son mensonge envers sa mère.

Malgré ses doutes, la jeune femme avait la sensation qu’elle pouvait lui faire confiance, alors elle préféra lui dire la vérité. « J’ai choisi la filière  d’art plastique » avoua-t-elle avec une légère hésitation, se préparant mentalement à la réaction qui suivrait. Si Eric connaissait vraiment bien sa sœur, il comprendrait la complexité de leur relation, ainsi que les attentes et les pressions qu'elle imposait à sa fille. Avec un soupir résigné, elle prit une profonde inspiration avant de parler. « Mais ma mère croit que j’ai choisi la filière d’économie » avoua-t-elle, sentant un pincement au cœur alors qu'elle racontait une nouvelle fois le mensonge qu'elle entretenait avec sa mère. Ses mots étaient empreints d'une certaine amertume, une reconnaissance tacite de la pression familiale qui la poussait à dissimuler sa véritable passion.

« Je t’en prie, je te demande de ne rien dire à ma mère, » commença Elain, sa voix empreinte d'une urgence teintée d’angoisse. « Si elle découvre la vérité, elle me demandera de rentrer à la maison… » La blonde chercha alors le regard de son oncle, espérant y trouver de la compréhension, de l’empathie, chose dont sa mère, elle, était incapable. Mais pour une raison qu’elle ignorait, Elain faisait déjà confiance à son oncle et elle avait le sentiment qu’il comprendrait, qu’il pourrait même l’aider.