Nate regarda fixement son téléphone après avoir raccroché, les traits tirés par la tristesse. La voix fluette de sa petite sœur, jadis pleine de rire et de promesses, était désormais une mélodie lointaine. Depuis la mort de leur père, la vie avait décidé de les éloigner l'un de l’autre.

L’obscurité de la pièce reflétait l’humeur du jeune homme. Le jour de l’anniversaire de sa très chère sœur, il se retrouvait à errer dans les recoins sombres de ses pensées et dans cet appartement bien trop grand pour lui seul. Il repensa à cette époque où leur famille était unie, où son père lui apprenait les ficelles du métier, et où il rentrait le soir pour jouer avec Mía. Mais tout avait changé cette nuit-là. Les images du passé hantèrent Nathaniel, comme des spectres qui surgissaient de l’ombre. Les souvenirs de cette mission qui avait mal tourné, le visage grave de son père essayant de le protéger, le bruit des balles sifflant dans l’air, l’odeur de la poudre, le goût amer de la défaite. Et puis, le regard de son père et ses derniers mots avant de fermer les yeux pour toujours.

Nate se laissa tomber sur le canapé, ses pensées tourbillonnant dans son esprit comme une danse mélancolique. « Si seulement, ... » Murmura-t-il dans l'obscurité de la pièce, comme si les murs pouvaient entendre ses regrets. Après avoir passé de longues minutes dans un silence angoissant, se perdant dans les méandres de l’auto-blâme, il finit par se relever.
Il ne fallait pas qu’il reste seul, pas un jour comme celui-ci. Il décida d’aller chercher du réconfort chez son ami, Louis, celui qui avait toujours agi comme un grand frère. Malgré la douleur qui pesait sur ses épaules, il savait qu'il pouvait compter sur son ami. Louis avait été là pour lui dans les moments les plus sombres, et aujourd'hui ne ferait pas exception.

La nuit était déjà tombée lorsque Nate arriva devant l'hôtel luxueux de Louis. Il hésita un instant devant les portes vitrées étincelantes, conscient de sa propre apparence débraillée. Ses vêtements, marqués par la fatigue et la négligence, semblaient en décalage avec l'élégance qui émanait de l’établissement. Il se passa une main dans les cheveux en désordre, prenant une profonde inspiration. « Peu importe », se dit-il. Louis n'était pas du genre à juger sur les apparences. Il était son ami, son pilier, et il comprendrait la détresse qui se cachait derrière les yeux de Nate.

Le grand brun franchit les portes et fut immédiatement enveloppé par l’atmosphère sophistiquée de l’hôtel. Il se dirigea vers la réception, son regard croisant celui de la réceptionniste qui lui offrit un sourire chaleureux. « Louis est-il disponible ? » demanda Nate, essayant de masquer la tension dans sa voix. La réceptionniste lui indiqua poliment la direction du salon, et Nate s'y dirigea, sentant le poids de la journée sur ses épaules. Il espérait sincèrement trouver dans l'amitié de Louis un refuge contre la tempête qui faisait rage dans ses pensées.

Nate entra dans le petit salon, et son regard se posa immédiatement sur son ami. Louis était assis dans un fauteuil confortable, un verra à la main. Dès que leurs regards se croisèrent, l’éclat de reconnaissance dans les yeux du plus jeune ne passa pas inaperçu. Depuis la perte tragique de son père, Louis était devenu plus qu’un ami pour le brun. Il était un pilier, un confident et, surtout, un grand frère qui avait joué un rôle crucial dans sa vie. Un sourire sincère éclaira donc le visage fatigué du chasseur alors qu’il serrait la main de l’ancien bras droit des Crimson Wolves dans la sienne. C'était un sourire empreint de gratitude, un sourire qui trahissait la reconnaissance profonde qu'il ressentait envers cet ami qui avait été là dans les moments difficiles. « Oui, c’est bien toi que je viens voir. » Répondit-il, ressentant déjà une certaine légèreté dans sa poitrine simplement en étant là, en présence de son ami.

Nate acquiesça ensuite et prit place, se laissant tomber dans le fauteuil avec un soupir de soulagement. « Un verre de Whisky ne serait pas de refus, » admit-il, appréciant la prévenance de Louis.
Il était alors facile de noter le pincement au coin des yeux de l’espagnol, la tension dans ses épaules, des signaux qui n’avait pas échappé au patron de l’hôtel. Il faut dire que le lien entre eux était tel qu’il pouvait presque ressentir la tristesse de l’un et de l’autre. Louis brisa donc finalement le silence en demandant si quelque chose n’allait pas. Nate fut tout de même surpris que son ami ait pu déceler si rapidement son état émotionnel. Il baissa donc les yeux un instant, avant de les relever pour rencontrer le regard perspicace du grand brun. Le simple fait de se sentir compris, sans avoir à expliquer quoi que ce soit, fit naître un léger sourire reconnaissant sur le visage de l’homme de main.

Nate prit donc une profonde inspiration, sentant le poids de ses émotions alors qu’il se préparait à partager son fardeau avec son ami. Il serra même les doigts surtout du verre qu’on venait de lui apporter, comme s’il était devenu une ancre, une bouée sur laquelle s’accrocher dans ce moment de vulnérabilité « Il y a quelque chose que je n’ai pas pu me sortir de la tête aujourd’hui, » commença-t-il, sa voix empreinte d’une sincérité brutale. « C’est l’anniversaire de Mía aujourd’hui. » Cela ne servait à rien d’expliquer qu’elle et sa belle-mère avait déménagé loin après la mort de son père puisque Louis était déjà au courant de toute l’histoire familiale. « Je l'ai appelée aujourd’hui, » continua Nate, ses yeux fixés sur le liquide ambré dans son verre. « C'était bien de l'entendre, mais ça m'a rappelé à quel point ils sont loin maintenant. Et puis, je me suis mis à repenser à cette nuit… » La nuit ou son père était mort.

Il marqua une pause, cherchant ses mots pour exprimer la complexité de ce qu’il ressentait. « Je ne peux pas m'empêcher de penser que j'aurais pu faire quelque chose de plus, Louis. Que j'aurais dû être là d'une manière ou d'une autre pour l'empêcher de partir en mission. Peut-être que si j'avais agi différemment, il serait encore là. » Il parlait avec une voix empreinte d'une tristesse profonde, comme si chaque mot pesait sur son cœur déjà lourd.

Au fur et à mesure qu'il évoquait la mort de son père, une ombre semblait assombrir ses traits. Les lignes de son visage exprimaient le chagrin qui persistait malgré les années, la douleur qui n'avait jamais tout à fait disparu. Il se perdait dans les méandres du « si seulement ». Cependant, au milieu de cette détresse, il y avait aussi une recherche de réconfort, une tentative de trouver un soulagement émotionnel en partageant son fardeau. Ses yeux se levaient de temps en temps pour chercher une connexion dans le regard compréhensif de Louis, comme s'il cherchait une bouée de sauvetage dans la tempête de ses pensées.

Lorsque Nate évoquait sa solitude, son besoin d’être compris, une pointe de vulnérabilité émergeait toujours en lui. Devant son ami, il exposait son cœur, ses faiblesses avec l’espoir que Louis puisse apaiser ne serait-ce qu’une partie de la douleur qui persistait en lui. Ce dernier écouta d’ailleurs attentivement les mots du brun et après un petit moment de silence, il prit la parole d’une voix douce et empreinte de soutien. Ses mots étaient chargés d’une sollicitude profonde et Nathaniel acquiesça doucement, reconnaissant finalement l’importance de cet échange téléphonique, malgré la distance qui le séparait de sa jeune sœur. La voix de Mía avait été une bouée de sauvetage au milieu de cette tumultueuse après-midi.

Nate remercia donc Louis avec un léger sourire, reconnaissant pour sa sollicitude, même si l’offre d’argent n’était pas nécessaire pour lui. Il savait que Louis était au courant de sa situation financière, mais cela n’entachait en rien la générosité de son geste. « Merci, Louis. » Dit alors l’homme de main des Crimson Wolves, la chaleur de sa gratitude imprégnant chacun de ces mots. « Ta prévenance signifie beaucoup pour moi, tu le sais, mais ce n’est pas une question d’argent… » Nathaniel baissa les yeux, sentant le poids des émotions s’accumuler dans sa poitrine. « Ce n’est pas une question d’argent, » répéta-t-il d’une voix à peine audible. « C’est beaucoup plus compliqué que ça. »

Il inspira profondément, essayant de rassembler ses pensées éparpillées sous le poids de ses remords et de ses regrets. Chaque souvenir douloureux, chaque « si seulement » résonnait en lui comme le battement sourd d’un tambour funèbre.
Les paroles de Louis résonnèrent dans le silence du petit salon, chargées de sagesse et de compassion alors que le chasseur portait son verre de Whisky à ses lèvres. Il acquiesça alors lentement, absorbant chaque mot de son ami. Les paroles de son mentor touchaient une corde sensible en lui, lui rappelant la futilité des regrets et des remords qui le consumaient. Les mots du propriétaire de l’hôtel agissaient comme un baume sur les plaies de Nathaniel, lui offrant une lueur d’espoir dans l’obscurité qui l’entourait. Il se sentait moins seul, moins accablé par le poids de ses propres erreurs.

Ensuite, Nate leva les yeux pour rencontrer le regard de son ami, reconnaissant pour la sincérité de ses paroles. Il trouva même un peu de réconfort dans la vérité simple, mais puissante que lui offrait Louis. Il laissa alors finalement échapper un soupir. « C’est plus facile à dire qu’à faire, » admit-il finalement. « Je veux dire, je sais que tu as raison, mais je n’arrive pas à me sortir ces histoires de la tête. » Il baissa les yeux, se sentant presque coupable de sa propre incapacité à suivre les conseils de son ami. « Même si je veux vraiment l’accepter, à chaque fois que j’entends la voix de Mía, je me retrouve devant elle, lui annonçant que notre père est mort. » À présent, Nate tremblait d’émotion. « Je ne sais pas comment m’en sortir, Louis ! J’ai l’impression d’être piégé dans un cauchemar sans fin. » Il avait besoin de plus que de simples morts pour trouver la paix intérieure, il avait besoin d’une boussole pour le guider ! Et peut-être aussi d’un peu d’alcool ! Son verre était d’ailleurs déjà presque vide…