La faim au ventre

« Quoi ? Encore ? » soupire Ava. Il avait recommencé. Dylan venait de nouveau de se faire embarquer au post de police. Quel était le motif cette fois ? Elle interroge ses collègues. Vol dans une boulangerie ? Vraiment ? Elle soupire à nouveau. « C’est bon, je m’en occupe » annonce-t-elle déjà lassée de la situation. Ce garçon n’était pas méchant, du moins, elle avait connu bien pire crapule. Il n’avait agressé et tué personne, cependant, il s’attirait régulièrement des ennuis en agissant de la sorte. Voler, c’était mal. Elle n’apprend rien à personne, si ? Il était doué pour faire courir la police avec ses conneries. Elle avait pourtant plus important à gérer, mais pour une raison qu'elle ignore, elle se sentait un peu responsable de lui. Alors c'est elle qui s'y colle. Elle l'observe de loin se demandant bien ce qu'elle va pouvoir faire de lui, elle l’entend d'ici se plaindre qu’il a faim, c’est l’excuse qu’il a sorti à ses collègues. Peut-être est-elle vrai, mais ce n’est pas une raison d’agir de la sorte et il doit le comprendre. Ce n’est pas la première fois qu’elle a affaire à lui. Il n’a pas un mauvais fond même si parfois il a le don de lui taper sur le système. Ava fait un détour par la cafétaria ou elle glisse une pièce de deux euros dans le distributeur à sandwich. Elle attrape un sandwich triangle jambon-beurre. Certes, ce n’est pas le meilleur des festins, mais c’est déjà ça. Elle se met ensuite en marche pour aller confronter le jeune homme.

Arrivant derrière Dylan, Ava l’observe d’un œil réprobateur « Encore toi ». Elle le contourne ensuite pour se placer face à lui, de l’autre côté de la table. Elle aborde une mine impassible. « Je vais finir par croire que tu aimes venir ici. Peut-être qu’on devrait t’y construire une chambre ? » lance-t-elle d’un air sarcastique. En effet, ce n’était pas la première fois qu’il atterrissait au post et quelque chose lui disait que ce ne serait pas la dernière. Au fond, c’est triste. Il pourrait faire tellement mieux de sa vie. Le pire, c’est qu’elle avait essayé de l’aider, notamment en le confiant à son frère Lucian. Elle avait essayé de lui tendre la main. Alors pourquoi continuait-il à agir ainsi ? Peut-importe. Ava garde le cap. Elle doit rester dure et lui montrer que ce qu’il fait n’est pas acceptable. Pour ça, sa mine est sévère, il mérité un bon coup de pied aux fesses. « Je commence à me lasser de te voir ici »  reprend -elle avant de poursuivre. « Un jour, ça va mal finir pour toi. Tu le sais ? » elle le fusille du regard. C'est vrai, un jour, il finirait au trou et elle ne pourrait plus rien pour lui. Elle finit par poser fermement le sandwich sur la table puis le fait glisser vers lui. Elle a beau être flic, ce n’est pas un monstre. S’il a faim, elle lui donne à manger. Du moins, si ce qu’il dit est vrai. On ne sait jamais avec lui. Sa réaction face au sandwich lui permettra d’étudier s’il dit vrai ou non. Elle se recule ensuite sur son siège, croisant les bras sur sa poitrine d’un air autoritaire. « Maintenant tu veux bien me dire ce qu’il t’est passé par la tête cette fois encore ? Et pas de mensonges, je le saurais ». Ava est douée pour repérer les mensonges. Elle a une bonne intuition ce qui est très utile dans sa profession. De plus, elle commence un peu à le connaitre ce garnement.

La faim au ventre

Et il se permet de plaisanter en plus ! Il semblerait que Dylan n’ait pas bien saisit la gravité de la situation. Certes, il n’y a pas mort d’homme mais on parle quand même d’un délit d’effraction. Il ne mesure pas les conséquences qu’il peut y avoir derrière surtout pour lui. Car au final, dans cette histoire, c’est lui qui risque le plus gros. D’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve au poste de police pour délit. D’ailleurs, Ava le voit un peu trop à son goût. A croire qu’il n’apprend jamais de ses erreurs. C’est fatiguant. Le pire dans tout ça, c’est qu’il n’a pas un mauvais fond. Il pourrait faire tellement mieux de sa vie si il le voulait. Mais pour ça, il faudrait déjà qu’il commence à respecter la loi. Aujourd’hui, la loi c’est Ava, et elle compte bien lui faire prendre conscience de ses actes, encore. « Pas de ta faute ? Donc tu ne t’es pas introduit dans une boulangerie par effraction ? » demande t-elle ironique. Elle finit par lui donner un sandwich. Quand il lui demande si il peut, elle acquiesce d’un hochement de tête. Elle peut voir dans ses yeux et dans sa façon de manger son sandwich qu’il n’a pas menti. Il mourrait littéralement de fin. C’est triste et évidemment qu’Ava a de la peine pour lui. Cependant, son job consiste à faire respecter la loi. Alors elle laisse sa sensibilité de côté. Il devait comprendre qu’il y avait d’autres moyens de faire les choses. Le fond du problème n’est pas qu’il ait mangé des gâteaux périmés mais d’avoir forcé la porte d’une boutique fermée.

« Le problème n’est pas là, Dylan » annonce Ava avant de poser fermement ses deux mains sur la table tout en le fixant. « Tu ne peux pas entrer par effraction dans une boutique. Ce n’est pas une manière de faire les choses. Tu aurais du demander de l’aide au lieu d’enfreindre la loi. Pourquoi tu n’as pas appelé Lucian ? ». Après tout, son frère s’était bien occupé de lui aux dernières nouvelles. Ava le lui avait confié, elle savait que Lucian était quelqu’un avec le coeur sur la main. Il n’aurait jamais refusé de l’aider bien au contraire. Elle conçoit que cela peut être difficile d’admettre qu’on a besoin d’aide, mais c’est toujours mieux que de basculer dans l’illégalité. « Peut-être qu’il y avait des gâteaux à jeter. Effectivement, c’est du gâchis, je suis d’accord avec toi. Seulement, ce n’est pas une raison pour faire ce que tu as fait » il a quand même crocheté une serrure. Si tout le monde faisait ça, ça deviendrait l’anarchie en ville. Il fallait donc qu’elle lui fasse comprendre la gravité de son acte. « Tu sais que pour un délit d'effraction, tu peux risquer une peine allant jusqu'à 3 ans de prison et une amende de 45 000 euros ? » questionne t-elle d’une voix impassible en le fixant droit dans les yeux. Elle espère que cela le fera réagir. Que ça lui fasse peur. Un petit coup de pression n’a jamais fait de mal à personne. « C’est vraiment ce que tu veux ? » questionne t-elle durement. En tout cas, elle ne lui souhaite pas ça. Pourtant, si il continue comme ça, c’est ce qu’il finira par arriver tôt ou tard. Ava ne pourra pas toujours lui sauver les fesses. Un jour, ce sera trop tard pour lui. Il serait temps qu’il se réveille. De ce fait, elle est dure avec lui mais au fond, c’est pour son bien.

La faim au ventre

Ava fixa Dylan avec un regard sérieux, scrutant chaque expression sur son visage tandis qu'il mordait dans le sandwich qu'elle lui avait donné. Son ton était ferme mais empreint d'une certaine lassitude. Les visites répétées de Dylan au poste de police pour des délits mineurs commençaient à peser sur ses épaules de lieutenant, même si elle savait que le jeune homme n'était pas foncièrement mauvais. Elle écouta attentivement sa justification, laissant échapper un soupir intérieur. Dylan était habile pour se défendre, mais il ne semblait pas saisir la gravité de ses actes. Les excuses et les explications de Dylan ne lui étaient pas étrangères, et bien qu'elle comprenne la lutte contre la faim, elle ne pouvait pas fermer les yeux sur ses actions répétées. Elle savait qu'elle devait se montrer sévère pour essayer de lui faire comprendre la gravité de la situation.

Elle secoua la tête, consciente qu’il avait du mal à mettre sa fierté de côté. Il préférait enfreindre la loi que de recevoir de la charité. En fait, le problème venait de là. Ava l’avait confié à son petit frère Lucian. Elle le connaissait, elle savait qu’il avait le cœur sur la main et qu’il l’aiderait quoi qu’il arrive. C’est Dylan qui avait du mal avec le fait qu’on l’aide. Elle soupira. « Dylan, demander de l'aide n'est pas faire l'aumône. Lucian est là pour toi, et si tu ne t'en sors pas seul, il est prêt à t'apporter son soutien. Ne laisse pas ta fierté t'aveugler » car c’est exactement ça qui est en train de se passer. L’égo du jeune homme l’empêchait d’avancer dans le bon chemin.

Le commentaire ironique de Dylan sur la prison lui arracha un énième soupir. « Tu sais très bien que ce n'est pas la solution. C'est un chemin que tu ne devrais pas envisager. Il existe d'autres alternatives pour obtenir de l'aide ». Elle marqua une pause avant de poursuivre « La vie derrière les barreaux n'est pas ce que tu penses. Trouver un moyen légal de subvenir à tes besoins est la meilleure option ». N'avait-il pas une passion ? Un domaine dans lequel il était doué ? Il devait trouver sa voie dans la légalité, se ranger. Certes, c'était plus facile à dire qu'à faire, mais des gens autours de lui étaient prêts à l'épauler. Il avait au moins le devoir d'essayer. La délinquance n'était pas la solution.  Lorsqu'il s'excusa et exprima sa détresse, Ava ressentit une pointe de compassion mêlée à sa frustration. Elle soutenue son regard « Je sais que tu ne veux pas m’embêter, ni moi, Lucian ou quiconque, mais tu dois accepter l'aide quand elle est offerte. Ignorer la réalité ne fera qu’aggraver les choses ». Pour commençer, il faudrait déjà qu'il ne soit pas aussi têtu ! Cette tête de mûle lui en faisait vraiment voir de toutes les couleurs.

Elle attendit qu’il ait fini son sandwich avant de reprendre la parole à nouveau, le fixant droit dans les yeux. « Je veux croire que tu peux t'en sortir, mais cela nécessite un changement de comportement. Je ne veux pas te voir ici à nouveau pour des choses futiles. Comprends-tu ? » elle ne le lâchait pas des yeux, elle voulait s’assurer qu’il avait bien entendu ses paroles. « Je comprends que tu traverses des moments difficiles. Mais il est temps de mettre fin à ce cercle vicieux. Accepte l’aide qu’on te donne et travaille à changer ta situation. La récidive ne fera qu'empirer les choses. Je veux que tu te reprennes en main. Fais-le avant qu’il ne soit trop tard car ce jour-là, je ne pourrais plus rien pour toi ». Il était si jeune ! Ce serait tellement dommage qu’il en arrive au point de non retour, Ava pensait vraiment qu’il pourrait changer. Mais lui seul en avait le pouvoir. Et oui, si il continuait sur ce chemin, il finirait par le regretter. Un beau matin il se réveillerait en cellule, réalisant qu’il a mit sa vie en l’air. Ce n’est pas ce qu’elle souhaitait pour lui. Certes, il était enquiquinant et fatiguant, mais elle voulait croire qu’il méritait mieux que ça. « La vie n'est pas facile, mais tu as le pouvoir de changer la donne. Penses-y sérieusement ». Ava espérait que ses paroles atteindraient Dylan, le poussant à réfléchir sérieusement à ses choix de vie. Elle souhaitait sincèrement qu'il puisse trouver une voie plus stable et équilibrée. Mais pour ça, il devait accepter la main tendue qu’on lui offrait.

La faim au ventre

Ava ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de compassion pour Dylan. Après tout, elle avait vu des jeunes comme lui se perdre dans les méandres de la délinquance, incapables de trouver un moyen de s'en sortir. Quand il tapa du poing sur la table, elle prit une profonde inspiration. « Je sais que ce n'est pas simple » répondit-elle avec sincérité « Je comprends que tu te sentes découragé par ce que la société nous impose. Mais laisse-moi te dire quelque chose : les diplômes ne définissent pas qui tu es, ni ta valeur en tant que personne ». Certes, Ava provenait d’une famille haut placé, elle n’avait jamais connu la misère. Mais elle connaissait l’incertitude, les doutes et les jugements liés au travail. Elle savait à quel point cela était dure. En effet, dans sa jeunesse, Ava avait choisi une voie difficile en s'engageant dans un métier traditionnellement masculin afin de devenir lieutenant de police. Ses parents, peu encourageants, n'avaient jamais cru en elle, lui reprochant son choix et sa prétention. Elle avait dû se battre pour financer ses études, travaillant dur et surmontant chaque obstacle avec détermination. Elle se souvenait des regards condescendants, des murmures dans son dos, des obstacles dressés sur son chemin. Son ancien patron avait même profité de sa vulnérabilité pour lui faire du tort, mais elle avait refusé de se laisser abattre. Elle avait persévéré, surmontant chaque épreuve avec courage et persévérance. Ça ne lui était pas tombé tout cuit dans le bec en un jour contrairement à ce que la plupart pouvait penser. « Il y a tant de chemins à suivre dans la vie, tant de façons de trouver sa place, tous les métiers ne demandent pas de diplômes. Je peux contacter une agence d’interim pour toi si tu veux, je suis sûre qu’ils pourront te trouver quelque chose ». Elle voulait que Dylan comprenne qu'il avait des options, des possibilités, même s'il ne voyait pas encore clairement le chemin devant lui. Elle était là pour lui montrer la voie. C’est ce qu’elle souhaitait pour lui, car s’il continuait comme ça, c’est derrière les barreaux qu’il finirait. Il valait mieux que ça.

« Sinon dis-moi, qu’est-ce que tu aimerais faire de ta vie ? Il n’y a-t-il pas un métier qui te fait rêver ? » en tant que lieutenant de police, Ava exerçait le métier de ses rêves et était devenue respecté dans son milieu. Elle avait trouvé sa place et elle était fière du chemin parcouru. Malgré les difficultés passées, elle ne changerait son métier pour rien au monde. Elle espérait que Dylan trouverait aussi sa voie, malgré les défis qui se dressaient devant lui. Se lever chaque matin pour faire un métier que l’on aime est une source de motivation inestimable. Elle croyait en lui, car elle savait que le courage et la détermination pouvaient surmonter tous les obstacles. Oui, certains métiers demandaient des compétences particulières. Mais il y avait des ressources, des programmes d'éducation et de réinsertion. Il y avait toujours des solutions quand on se donnait les moyens de réussir. C’était long, ça prenait du temps, ce n’était pas facile, mais ça finissait toujours par payer. Elle hocha la tête quand il exprima son désir de se débrouiller seul. « Je respecte ta volonté de te débrouiller par toi-même mais tu n'as pas à porter ce fardeau seul ». Accepter une main tendue afin de rebondir et d’enfin pouvoir être autonome sans commettre de délit, c’est ça qu’elle lui demandait. En tout cas, sa promesse, elle espère qu’il la tiendrait. Elle abdiqua. « Tu ne m’en voudras pas mais j’ai appelé Lucian avant de venir te voir. Il est en route pour venir te chercher ». Au moins elle sait qu’avec lui, il sera entre de bonnes mains.